Monotypes-top.
Voici maintenant quelques années que Catherine Versé développe un travail sur le mode du monotype.
Les dessins figuratifs sont depuis le début relativement élémentaires, il ne s’agit pas d’une rétention d’information par une économie de signes, de lignes et de couleurs mais un souci d’adéquation avec la pensée du moment, toujours habité par le dessin précédent et déjà en marche vers la suite d’une production pour le moins prolixe.
Les sujets et motifs sont variables et nombreux mais pour s’en rendre compte, il est nécessaire de voir un ensemble d’œuvres, ou même une partie d’ensemble.
Au fil du temps, après avoir dessiné des séries de sexes masculins à la chaîne, à la manière de la ligne claire dans un réalisme bédéesque à la Picha, le trait s’est libéré de toute convention pour approcher au mieux les sentiments du moment et exprimer à petites doses répétées un sujet à la fois.
Les sujets de « fond de l’âme » font appel à la mémoire et à l’instar de la muse rêvée de Verlaine, l’image n’est jamais tout à fait la même et elle n’est non plus jamais tout à fait différente. Vu cet état des choses la notion de série s’installe…
Il existe notamment un nombre assez impressionnant d’images de chaise « flottante » sans registre comme le sont tous les motifs qu’elle traite. Les chaises Mackintosh, louis XV ou Tolix, prennent place au centre d’une petite feuille de papier légèrement tachée par l’empreinte de l’encre restée sur la plaque après le « passage » du dessin précédent.
En ce qui concerne les sièges, les différents styles pourraient évoquer des époques différentes, mais le temps passe et les objets du passé s’ajoutent à ceux du présent.
Dans la mémoire s’accumulent les images et Catherine Versé les couche une à une sur le papier .Chaque motif, chaque partie de sujet ou chacun des événements sont une sorte de fractale, un tout, faisant partie d’un autre tout.
Ces monotypes sont de petites tailles de sorte que la pensée se concentre sur l’élément qui évoque à lui seul l’image fugace qui traverse le souvenir. Catherine Versé. se focalise sur l’essentiel, l’archétype, la quintessence du sujet à évoquer.
Par rapport à cette exigence de l’économie de moyen, deux lignes formant un angle à 45° dont une est surmontée par la courbure d’une échelle signifie: « piscine ».
Le ou les personnages, quand ils ne sont pas absents, confinent au pictogramme. Quelques lignes surmontées d’un cercle pourvu de deux points pour les yeux et une bouche suffisent pour exprimer un événement, une attitude.
Si la notion de catharsis est bien présente dans les sujets évoqués, les traits dessinés font plutôt penser à une « exo-pensée », une pensé qui n’est plus à l’intérieur, mais qui colle encore au corps.
Les rares petites taches d’aquarelle grises, jaunes ou rouges ne sont pas seulement là pour rehausser le dessin mais surtout pour signifier. Les sexes masculins ultra récurrents dans toute l’œuvre de Catherine Versé , arborent souvent un bout rouge, la couleur signifie la vie et plus prosaïquement indique le bout du membre et donc son sens…
La queue, le penis, le dard, l’engin, le manche, le pinceau, le goupillon, le gun, la bite, le zob, la clinche, le chicon, le priape, la bistouquette, la biroute, la pine, le phalus, le sexe, le vit, le membre multifonction, la verge le popaul, le robert, le clinton, le petit oiseau, le prophète, le curé, la banane, le zizi…
Et toutes ces sortes de choses que les femmes n’ont pas, créent chez les « artistes femen » une envie, une revendication et même un argument d’attaque. Julia Kristéva avait ,dans les années 70 une mauvaise habitude de réduire l’art à du sexe masculin ou féminin selon l’image entrante Monotypes -top
Carolee Schneemann, avec la complicité de ses amis minimalistes et conceptuels outrepassait l’érotisme et la sexualité pour mettre en évidence le corps de la femme dans son évidence, Rose Marie Trokel « explosait » le rôle de la femme dans la « cellule familiale » et Annette Messager présentait les tortures de corps de femme (avec engins pour amaigrissement et mise en forme) pour les mettre en parallèle avec les performances de l’époque.
Si les problèmes d’inceste, de tromperie et de promiscuité en tous genres gérés par le père de Louise Bourgeois ont été sublimés dans son travail, la revendication de Catherine Versé est toute autre, elle met le doigt sur l’hégémonie masculine en se présentant au salon de l’auto avec un faux pénis d’une taille appréciable cousu à l’endroit géographique du sexe de sa robe.
Elle n’est donc pas nue et si l’artifice ne permet pas le doute, la matière et la couleur n’appellent en aucun cas à une excitation quelconque. L’attaque est donc froide et frontale…
Linda Benglis avait, dans les années 70, présenté en pleine page du magazine Art forum, une photo d’elle même nue tenant un faux sexe au « bon endroit » et cela devait servir d’invitation à son exposition d’un caractère pour le moins sans libido…
(Bourses, rustons, roupettes, burnes, couilles, bijoux de famille, valseuses, roubignolles, boules, etc. sont généralement associées aux queues, pénis, bite. Mais les femme ont tendance à les oublier…) Poule, poulette, dinde, caille et bécasse en tous genres.
Jasper Johns répondait à la question posée à propos du trompe l’œil mêlant l’image d’une tête de canard à la tête d’un lapin, c’est un lapin-canard. Dans le même ordre d’idée, son ami Robert Rauchenberg disait de ses poules empaillées qu’elle n’étaient ni des poules, ni des images de poules, il s’agissait de poules empaillées.
L’art est parfois dans un espace de pensée ou on ne l’attend pas.
Catherine Versé a tricoté des carcasses de poules ou quelque chose qui ressemble à une volaille et elle leur a donné corps en les remplissant de leur extérieur naturelle : les plumes .
Les plumes, par la pression, débordent, de manière anarchique, par les mailles lâches du tricot et font de ces sculptures suspendues des œuvres présentes et délicates à la manière des œuvres de Eva Hesse qui elle, plus encore, à du s’imposer parmi les hommes.
Etienne Tilman.