Voilà, dit-elle, vois là

Catherine Versé dessine, peint, découpe, assemble ce qui lui tombe sous la main et lui traverse l’esprit. Sa démarche est notoirement basée sur le faux et c’est ce qu’elle aime :  par exemple, dans une photo d’intérieur désuet , elle remplace un des cadres par un dessin à elle, ou encore elle ajoute un pénis à une figurine d’animal, tout cela l’air de rien. Elle aime que cela ne se voie pas au premier abord , de sorte que le spectateur soit surpris, piégé.

Outre le papier, d’autres matières lui sont familières : tissus, fils et fibres, peau de mousse verte. Le signe que l’image ou l’objet ainsi créés sont arrivés à leur terme, c’est quand elle se dit : « Ah ! C’est ça ». Un ça exempt de toute volonté de raconter des histoires ¬ Catherine Versé les fuit parce que « tout le monde penserait la même chose », mais chacune de ses compositions a bien une histoire. D’un trait fin et sans apprêt, elle chatouille où c’est sensible. Mais oui, Catherine Versé aime rire et faire rire, le sel de la vie. 

Aussi nous fait-elle prendre une autre figure que celle du spectateur figé dans des arrêts méditatifs qui masquent mal le scepticisme, la gêne. Et il n’y a pas de repentir si elle efface, soit en gommant, soit en ponçant : reprendre n’est pour elle ni regret, ni remords. Depuis 2011, Catherine Versé met en ligne, avec une régularité sans faille, ses collages, encres et dessins sous le titre d’un B(m)ON(day)LUNDI.

D’autre part, et pour jeter le trouble là où c’est physiquement et culturellement sensible, il arrive que Catherine Versé s’empare d’un signe un peu trop connoté pour en faire momentanément sa chose, sortir des ornières des « façons de voir ». Ainsi refait-elle la garde-robe féminine, en la virilisant pour de bon, au pied de la lettre, et non en la pimentant d’emprunts masculins – veste, casquette, pantalons – qui ne font jamais que le jeu du fantasme. Voici donc une jupe d’où se détache, au bas du ventre, un long étui pénien flageolant au gré de la marche : qui d’autre pourrait faire plus simple et risqué pour déclencher le rire ou le scandale ? Ou s’agit-il de s’approprier un attribut subverti par son exhibition détournée ? Le spectateur n’en sort pas précisément indemne, accroché par ce « décrochez-moi ça » d’un genre qui transcende les genres.

Ph. D., 27 septembre 2020